Inventer un monde en marchant

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Use

Pratique pour donner du relief, délier les langues, pimenter de fantaisies, créer des péripéties, canalyser et faire imploser les idées

Protocol

Vous avez bien préparé une question noyau. Vous avez même tracé vos axes. Vous avez maintenant quatre embryons de monde à votre disposition. Vous en choisissez un et vous partez en promenade, en équipe. Trois ou Quatre, c'est un bon chiffre.

Vous faites tout bonnement comme si à partir de maintenant, vous étiez en visite dans ce monde. Vous ne tarderez pas à en capter les signaux, plus ou moins évidents, mais appuis intéressants pour faire éclore des idées.

Si vous connaissez assez bien la ville ou campagne où vous vous situez, allez directement zoner dans un paysage qui vous évoque le monde en création. Ce sera comme le visiter ou cela sera inspirant.

Parfois, c'est un détail a priori insignifiant ou totalement abstrait qui vous déclenche une idée. Si nous pouvons nous permettre, sautez d'un pied sur l'autre. Soyez absolument littéral. Soyez totalement impressioniste. Le plus important étant que le récit avance, via l'observation et le partage de sensations avec vos camarades.

Evidemment, il arrive que vous disiez n'importe quoi mais le groupe peut toujours tout sauver. Enregistrez vous ou prenez des notes.

Au retour, faites vous interviewer via le jeux des éclaireurs intergalactiques.

Variante musicale

Je me demande si on ne pourrait pas parvenir au même résultat en créant une playlist inspiratrice et inspirée à partir d'un embryon de monde. En ce cas, on fait une blackout session. C'est à dire que l'on se met dans le noir et on écoute des morceaux. De temps en temps on arrête la musique et on tire des conclusions sur ce qu'on a écouté ensemble. Bon, on a jamais essayé mais le choix des instruments acoustiques ou électroniques, l'expression vocale, le genre des interprètes peuvent être des repères probants.

Variante corporelle

Promenez-vous en adoptant une démarche spécifique. Par exemple, tout le groupe marche avec un seul pied nu, l'autre chaussé. Voyez comment cela influence votre imagination de ce monde, avec ce nouveau toucher.

Variante les yeux fermés

Dans le groupe, formez des paires. A certains moments, ces paires peuvent s'éloigner du groupe pour développer des sous-fictions tentaculaires, avant de revenir vers le groupe. A ce moment là, l'une des deux personnes prend le rôle du guide, l'autre du non-voyant.e. Commencez à marcher en silence. Le ou la guide indique le chemin à suivre à la personne qui a les yeux fermés en pesant fermement ses mains sur ses épaules. Quand le chemin tourne à droite, elle presse son épaule droite. A gauche, l'épaule gauche. Et quand il y a un obstacle, on presse les deux épaules pour faire signe de ralentir. Quand la confiance s'installe, on peut avancer à notre aise. Quand ille le souhaite, le ou la guide peut s'arrêter en pressant les épaules et marquer un arrêt. A ce moment là, la personne qui a les yeux fermés les ouvrent et observent ce qui est devant ses yeux. Il peut s'agir d'un détail, une chose minuscule (une fourmi, un clou, un trou dans un mur) ou bien d'une chose plus large (une maison, un horizon, un paysage, des gens...). On laisse un temps pour observer. Puis on repart. Lorsque la paire rejoint le groupe, on peut se raconter ce qu'on y a vu. On peut aussi choisir de s'arrêter plus longuement à deux et de laisser la personne expliquer ce qu'elle voit.

Cette variante s'accouple très bien avec Intense looking (p. ) ou La chasse aux signaux (p. ). On est souvent surpris de comment cette pratique de marche avec alternance yeux fermés / yeux ouverts libère les sens et ouvre l'imagination. Le choix de ce que le·la guide souhaite montrer à l'aveugle aiguille également une certaine narrativité dans la fiction, comme si on nous distribuait de la nourriture visuelle éparpillée pour stimuler nos imaginations.

Testimonies

Avec Yvonne Harder, de la branche Suisse de la futurologie expérimentale, nous avons beaucoup pratiqué cette activité à Genève, en bord de Rhône. Parfois, la discussion/création de monde ricoche sur un détail croisé pendant la marche. Il arrive aussi qu'on ne calcule plus tant que ça le paysage mais que la marche et la conversation/création prennent le dessus de façon autonome. Cela devient un voyage entre l'ici et maintenant et ce futur visité. La sensation que le réel et la fiction se brouillent est agréable. Circuler à l'air libre libère sans doute des flux. A noter que cette activité est parfaite en petit groupe et qu'au delà de 4 personnes, le précipité perd des bulles.

Anna Cz.

Credits

Anna Cz., Sarah M. et Mathilde M. ont expérimenté cette pratique dans un élan vers le plein air et la découverte du quartier à Jurmala en Lettonie. La variante des yeux fermés est inspirée d'un pratique développée par Myriam Lefkowitz.