Anna Czapski

Inspection sensorielle

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Use

Les odeurs, les sons, les textures peuvent aider à faire apparaître des images, des pensées, des histoires, de manière "corporelle", somatique… sans passer par la verbalisation, le langage. C'est une façon concrète, onirique entre conscience et sub ou inconscience de spéculer. En s'attachant et se concentrant sur les forces et aspects d'un élément, on peut puiser des idées et des fondements pour développer des situations ou des personnages, selon un canal original.

Protocol

Première étape

Demandez au groupe de s'assoir confortablement et de fermer les yeux. Oui, comme d'habitude. La simplcité a du bon. Cela peut commencer basiquement par quelques inspirations et expirations profondes et sonores. On soufle. Puis, sans avoir peur du ridicule et bien que l'on ait pas la précision ni la légitimité d'un.e prof de Feldenkrais, on propose aux participant·es de se toucher le visage. Doucement. Les joues, le front, le nez, les lèvres. On improvise un peu. On peut attirer l'attention des personnes sur les textures ou sur les températures. La peau est-elle douce ? Rugueuse ? Collante ? Est-elle froide ? Chaude ?

Continuez à improviser des instructions expérimentales comme : décollez tout doucement les mains de votre visage. Éloignez, rapprochez-les. À partir de quelle distance sentez-vous sur votre visage la présence de votre ou vos mains ? Touchez ensuite vos cheveux. Cherchez les sensations liées au touché sur et autour de votre tête. Est-ce que se sont vos mains qui touchent ou vos paumes qui sont touchées ?

Quand vous sentez que l'exploration a assez duré, vous pouvez toucher le reste de votre corps, vos vêtements, en cherchant aussi à déclencher des expériences, des connaissances, une collecte d'informations.

Puis vous débordez, vous touchez maintenant votre chaise, le sol autour de vous si vous êtes assis·e ou allongé.e et quand une sensation vous intéresse, vous vous y attardez. Dans l'idée d'apprendre le plus possible juste par le toucher, yeux toujours fermés.

Ensuite, nous allons renifler… Vous vous approchez tout doucement de cet élément que vous avez inspecté par le toucher et maintenant, vous allez le sentir. Êtes-vous surpris·e par son odeur ? De quoi est-elle composée ? Laissez vous embarquer par la puissance de votre flair. A cette étape de l'activité, la personne qui guide ne parle presque plus car le groupe autour de vous mène la barque de ses expériences. La scène est assez cocasse. Certains.es ont rampé jusquà la plante verte et caresse les feuilles en reniflant la terre humide ou sèche du pot. D'autres se concentrent sur une odeur de vernis qui émane d'un meuble en bois contre-collé.

De temps en temps, vous pouvez encore suggérer une consigne, liée aux autres sens. Qu'apprend-t-on de son élément d'un point de vue sonore ? Quels sons en émanent ? Explorez les liens ténus entre toucher et son ? Faites de la musique concrète en touchant, plissant, frottant, frappant, effleurant.

Maintenant, adonnez-vous à la synesthésie. Tentez de déclencher des combinaisons sensorielles à base de ouïe odorat toucher. Humez tout en chiffonant vos étoffes. Et ainsi de suite.

Pour sortir ce petit monde de cette agréable promenade, proposez à chacun·e de revenir à lui.elle même. Et l'on passe doucement (j'aime bien dire doucement, je le dis souvent ) aux yeux. Yeux fermés, toujours. Par un jeu de pression et de détente, on crée des péripéties oculaires. On cligne. On entrouvre délicatement les paupières et quand on le souhaite, on fixe son attention dans une direction attirante. Lumière du lustre, soleil et on joue avec ses yeux et les rayons de lumière pour créer des visions. On se fait un petit film expérimental à soi.

Et tout doucement (décidemment)…

On ouvre les yeux et on revient au groupe.

Généralement, un long silence recueilli, une sorte de réveil, se produit.

Deuxième étape

Maintenant que le groupe est bien éveillé en terme de perceptions et que les sens sont affûtés, demandez à chacun·e de sortir et d'aller choisir une matière ou élément naturel dans le jardin, la cour, le parc le plus proche. L'idée est de se laisser appeler ou attirer par une matière et sa texture : peluche, granule, roche, écorce, épine... à chacun·e son appel et son intérêt. On utilise bien netendu les nouveaux réflexes d'inspection sensorielle acquis pendant la première étape. Si tout s'est bien déroulé, on est dans un état de réception assez profond, troublant et sensuel. Bien entendu, on ramasse, prélève, récolte des éléments ou matières déjà déracinés ou laissés pour compte. Si on veut casser une branche, arracher une fleur ou fruit, on demande la permission d'abord, à la chose elle-même, et on peut s'amuser à lui exposer les motifs de cette étrange attraction. De retour dans le cercle, chacun·e aura deux minutes pour parler de cette attirance.

Et pour finir l'activité, chacun·e choisit une "force" inspiré·e par son choix de matière.

Exemple

Force de la douceur. Force du spongieux. Force du multidirectionnel. Force du perçant.

Testimonies

Pendant une initiation à la Futurologie dans une bibliothèque du nord de la France avec des enfants. Les enfants avait une camaraderie facile avec les éléments. Je me souviens d'une participante qui avait choisi une feuille de noisetier toute plissée.

Anna Cz.

Credits

Nous devons ces expériences à Suzan Ploetz, que nous a présentée Erika Sprey et qui nous a proposé une initiation au Nordic Larping le 1er Avril 2022. Suzan Ploetz est une performeuse et plasticienne américaine vivant aux Pays-Bas. Elle a co-écrit divers Larps et intègre les pratiques somatiques dans ces expériences de groupe. Elle utilise l'imagination, la matérialité magique et la création de protocoles pour induire des dissonances émotives émancipatrices et une expansion perceptuelle.

Anna s'est entraînée à re-explorer les trucs qu'elle nous a transmis avec des jeunes de 12-14 ans à l'occasion d'une résidence mission à Valenciennes avec Marine Fontaine de La Plage Interdite et puis a rédigé ce texte.